Licenciement abusif: réponse

Licenciement abusif: réponse

Cette petite contribution a pour but d’aider les personnes concernées à répondre à une lettre de licenciement abusif, en donnant un exemple de réponse. Dans mon cas, il s’agissait d’un licenciement «économique» maquillé en «cause réelle et sérieuse».
Il faut savoir que les indemnités et les droits sont les mêmes dans les deux cas. Il n’y a donc pas lieu de défendre la cause économique contre la cause réelle dans l’espoir d’en obtenir des avantages financiers.
Toutefois, il me semble que ces procédés doivent être vivement dénoncés au moins en tant que simple insulte, considérés comme telle.
La lettre que vous trouverez ici a été envoyée en l’état. Elle a eu le résultat intéressant de provoquer un entretien cordial dont la bonne humeur n’était pas exclue (le patron était écroulé de rire sur le «style»), et surtout, l’acceptation sans condition des 5 demandes formulées.
Pauvres plumés, à vos plumes !
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Monsieur,
Par la présente, je prends acte de votre lettre Recommandée AR m’informant de mon licenciement. Je vous connaissais de nombreuses qualités, unanimement reconnues de vos employés et administrés, mais j’en ignorais encore une, celle de Grand Comique.
En effet, dans le but inaccessible de rendre « réelle et sérieuse » la cause de votre procédure ad hoc, vous atteignez les sommets du burlesque. Ainsi donc, j’ai fait 16 erreurs de saisie comptable en 2005, toutes sur 4 mois consécutifs à raison de 2 par jour exactement. Excellente trouvaille ! D’autre part, je n’ai pas respecté mes horaires : merveilleux argument ! Vos talents dépassent de loin ceux d’un simple écrivain, et si vous jouissez du même génie pour la mise en scène, le triomphe sera fulgurant, au théâtre.
Toutefois, cette remarquable farce de votre composition souffre encore de quelques menues invraisemblances, que des spectateurs trop critiques pourraient vous reprocher en représentation. Pour vous aider à progresser, en voici quelques unes.
D’après la loi du 13 juillet 73, la cause d’un licenciement est « réelle » si les faits reprochés au salarié sont exacts(1), vérifiés(2), précis(3) et objectifs(4). Il est exact(1) que mes services n’étaient pas parfaits : « vous n’en ratez pas une », déclamez-vous, alors que j’évalue à 5% mon taux d’erreurs récurrentes, qui est à peu près également le vôtre (une écriture erronée sur 20). étant certainement objectives(4), ces petites imperfections sans conséquence ne sont pas très précises(3), et ne pourraient pas être vérifiées(2). Ce paragraphe nuira au succès de votre oeuvre.
En ce qui concerne mes horaires, vous avez dûment accepté, verbalement, 17H30 à l’embauche. Ces horaires très officiels sont ceux que vous avez mis sur le répondeur téléphonique du Cabinet, et qui y figurent jusqu’à ce jour (dont je détiens l’enregistrement sonore). Mon contrat écrit stipulant par contre « 18H », vous m’aviez alors répondu « je n’ai qu’une parole ». Vouliez-vous dire une à la fois ? Il faut à tout le moins qu’elle soit changeante, puisqu’en janvier 2005 vous avez tenté de la renier en diminuant mes congés, ce que j’ai refusé. Aujourd’hui vous maquillez cette suite régulière de négociations orales en « faute de comportement » et en « fait accompli ». Si le scénario est ingénieux, il n’en est pas moins piteux. Ce paragraphe froissera le parterre.
En effet, de nombreux témoins pourront confirmer mes parfaites ponctualités et assiduités sur ces horaires d’embauche (9H-12H / 14H-17H30), ainsi d’ailleurs que l’absence du moindre arrêt maladie, excepté 3 jours en 2 ans. Par ailleurs, ces horaires très réguliers cumulent 32.5 heures par semaine, et non 32 comme vous l’écrivez. Ces petits détails ne sont pas favorables à la représentation de votre pièce comique devant un public averti, ni même, je le crains, sur une obscure scène de quartier.
D’après la loi du 13 juillet, un simple « défaut de confiance » ne peut tenir lieu de cause de licenciement, c’est pourquoi vous invoquez la mise « en péril (du) bon fonctionnement de l’entreprise ». Or, depuis décembre 2003 (le passage au noir payée en liquide que vous m’avez imposé pour obtenir le poste), il est évident que mes services ne menaçait en aucun cas votre Cabinet. Embauchée sans spécialité, je n’ai nullement été plus mauvaise qu’une Secrétaire (BEP, Bac Pro). Même si vos reproches concernaient impartialement mes 5% d’erreurs, ce qui n’est pas le cas, ils s’affaissent lamentablement sous le critère de comparaison, car vous savez parfaitement qu’il est impossible de trouver une meilleure employée que moi, sans aucun diplôme dans la branche, et pour un SMIC. Tout à l’inverse, ma régularité, ma cordialité, mon humeur robuste et égale face à vos redoutables crises colériques (qui ont valu un état de choc suivi de SAMU à l’une de mes devancières), complétaient avantageusement ma très honorable efficacité aux tâches habituelles, qu’en dépit de vos propos humoristiques (« je ne peux plus rien vous confier »), vous ne m’avez pas le moins du monde diminuées : jusqu’à aujourd’hui, je n’ai cessé d’assurer saisie des comptes mensuels, annuels, occasionnels, prévisionnels, des décomptes de charges, chèques factures, honoraires, payes, dépôts de garantie, remises, lettres, fax, questionnaires, notes de frais, saisie baux, mandats, convoc. et PV d’AG, sinistres, classement, accueil physique et téléphonique, photocopies, tri, stocks, calculs et saisie URSSAF et CRIP, mises sous pli, affranchissement, postage, et ré-expéditions, en votre présence comme en votre -fréquente- absence.
Il s’ensuit qu’étant à moitié « réelle », et pas du tout « sérieuse », la cause de mon licenciement est mensongère de votre part. Effectivement, en raison de vos démissions de plusieurs copropriétés, de la morosité du marché locatif, et de la fin de plusieurs procès qui nous occupaient, notre charge commune de travail avait très sensiblement diminué. J’avais bien noté que votre présence, pendant mes horaires, était récemment descendue jusqu’à seulement 3h30 par jour (10H-12H / 16H-17H30). En conséquence, il me semble évident que vous tentez de maquiller un licenciement en réalité « économique ». Mais peut-être préférez-vous radier mon CDI au profit d’un Contrat Nouvelle Embauche, pour l’exonération des charges ? Ou confier le poste à quelque amie ? J’aurais apprécié que vous m’en parliez en toute franchise. à la place de votre scénario vaudevillesque, nous aurions sereinement discuté des meilleures modalités de mon départ.
La cause de mon licenciement étant mensongère, le licenciement lui-même tombe dans le groupe «abusif». J’envisage donc le recours aux Prud’Hommes. Toutefois, et conformément à l’esprit conciliant que vous me connaissez bien, je renoncerai à cette procédure si vous acceptez le modique arrangement suivant : je vous demande
– de m’autoriser à répondre favorablement à un rendez-vous d’entretien d’embauche par jour, pendant mes horaires de travail
– de bien vouloir me libérer dès le jour où j’obtiens une embauche, au cas où elle aurait lieu avant la fin de mon préavis
– de me rémunérer ce préavis jusqu’à sa fin, même si je trouve embauche avant
– de me rémunérer les congés auxquels j’aurait eu droit jusqu’au 31 mai 2006, soit 7 jours
– de ne pas « oublier » mes modestes indemnités de licenciement avec mon solde de tout compte.
Dans ces conditions, je pardonnerai bien volontiers les imperfections de votre Opus Lyrique, j’aurai plaisir à vous quitter cordialement, et ne manquerai pas d’assister à vos indubitablement imminentes créations théâtrales.
Respectueusement,

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