Tempête

Tempête

Elle m'attendait.
Assise sur son lit, le dos adossé au mur, elle a commencé la traversée.
Ses cheveux sont déliés, ses épaules relâchées.
Elle a replié se jambes, ouvert ses genoux, ses mains entourent son ventre tendu qu'elle caresse. Je sens les vagues qui la submergent.
Il va venir, ce petit tant attendu.
J'ai posé mes valises, je m'installe. Quittons l'espace temps.
Je la regarde, je me force à me taire. « On se met à genoux devant une femme qui accouche »
Son visage change, quand la contraction est passée, elle ferme les yeux, sa peau semble plus transparente. Ses traits sont tendus mais sereins ; comment cela est-il possible ? Je le sais maintenant, elle est imprégnée d'endorphines, son corps sait ce qu'il faut faire pour accompagner cette douleur. Je me dis qu'elle est très belle, une beauté que je retrouve chez chacune à ce moment là.
Elle ouvre les yeux, croise mon regard. Elle semble loin, cherche un encouragement. Tu vas y arriver, c'est bien.
Sa respiration est un chant profond, elle souffle dans ses voiles, puis forme un son, grave, qui semble dire « viens, je t'attends »
Je mets ma main sur son ventre, je sens l'enfant qui se love sous mes doigts. Oui je sais que tu es là, c'est dur pour toi aussi. Quelle aventure !
Des heures que je suis là assise à respirer avec elle, elle se met maintenant debout, cherche à s'étirer, plie ses jambes. « Viens, descends ! ».
Commence alors une danse très lente, rythmée par les contractions. Les mouvements sont amples, elle cherche celui qui va lui apporter le relâchement.
Je reste en retrait. Ecouter la respiration, observer, sentir, toucher parfois. Le ventre se relâche, la vague est passée, elle a gardé son cap, détend tous ses muscles et reprend des forces.
Mais d'où viennent-elles ses forces ? Je pense à cet instant à toutes les femmes du monde, qui ont vécu cette tempête, qui sont devenues mères. Il y a comme un fil invisible qui les relie. Il me semble que comme moi, elles accompagnent celle qui a cet instant, dans un cri profond et déchirant laisse glisser son petit à travers elle.
Une petite fille de plus sur terre ! Une mère de plus dans l'univers.
Sur la route qui me ramène chez moi, je repense à cette naissance. Je comprends les grands aventuriers, les marathoniens, les rameurs de l'extrême, les sportifs shoutés, les challenges. Ils cherchent tous à atteindre ce sommet. Mais ce ne sont que de pâles exploits, faibles doses de morphine sous les autocollants de leurs sponsors.
Femme qui donne la vie, je te respecte et je t'admire.
Mes pensées tournent autour d'elle. J'aimerais savoir peindre ou sculpter pour retranscrire cette émotion.
Alors j'essaye les mots.

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